Voyance pure en germanie
Dans les temps les plus reculés de l’histoire humaine, les membres des clans devaient être étonnés – d’après Schuré et Fabre d’Olivet – de la sensibilité nerveuse des femmes, êtres raffinés et géniales intermédiaires entre la société brute de l’époque et l’indéfinissable mystère de la nature. De par leur exaltation de voyance pure, les femmes étaient considérées comme les êtres les plus proches des divinités ; les chênes ou, inspirées, elles croyaient voir des apparitions, devenaient des arbres sacrés.
L’influence magnétique de la Lune les plongeaient dans un état de transe propre à la voyance immédiate et, sous le chêne, elles prophétisaient en évoquant leurs aïeuls. Ainsi, dans une Europe encore préhistorique, les prophétesse primitives, du haut de leur rocher ou au milieu de leur clairière, dans le murmure des vents et de l’océan, évoquaient les âmes diaphanes des aïeuls devant les foules terrorisées et délirantes, quémandant leur destin.
Les vieillards du groupe commencèrent à observer ces femmes, qu’elles fussent dans un état de rêve lucide ou d’extase prophétique. Ils contrôlèrent leurs révélations, interprétèrent les oracles et remarquèrent que, lorsqu’elles prophétisaient, leur visage se transfigurait, leurs paroles devenaient rythmées et le ton de leur voix plus élevé.
Elles proféraient les oracles en chantant avec des notes graves et significatives. Ce fut le début du vers, de la poésie et de la musique, qui furent toujours considérés comme ayant une origine divine. Le rôle important attribué à la femme dans l’Europe primitive et auprès des peuplades germaniques notamment prend un relief particulier dans la Pythonisse scandinave, la Volupse de l’Edda, les prophétesses qui suivaient les armées germaniques et décidaient quel jour devaient avoir lieu les batailles, comme le raconte César dans ses Commentaires, lorsqu’il décrit la dernière bataille qu’il livra contre Arioviste, chef de Suèves (58 av J.C.).
Devenues maîtresses du destin des peuples, les prophétesses commencèrent à remplacer l’inspiration pure par des pratiques divinatoires fondées sur le sacrifice humain. Les victimes leur servaient des messagers : elles faisaient parler l’esprit divin à travers la bouche des prophétesses. La cruauté de ces pratiques obligea les souverains à surveiller le pouvoir de ces sanguinaires voyantes. Elles réapparurent sur la scène de l’histoire avec la Pythie de Delphes et les Ménades grecques : leurs fonctions et institutions, toutefois, furent plus limitées et rigoureuses contrôlées.